Mettre en question le grapho-phonocentrisme: la langue des signes au dix-huitième siècle
This article focuses on sign language for deaf people in the eighteenth century, which gave rise to deep reflection on the part of various authors, all fascinated by a language that, being neither oral nor written, demonstrates our grapho-phonocentrism. Sign language poses the question not of a hier...
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Format: | Article |
Language: | Catalan |
Published: |
Liverpool University Press
2024-11-01
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Series: | Modern Languages Open |
Online Access: | https://account.modernlanguagesopen.org/index.php/up-j-mlo/article/view/524 |
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Summary: | This article focuses on sign language for deaf people in the eighteenth century, which gave rise to deep reflection on the part of various authors, all fascinated by a language that, being neither oral nor written, demonstrates our grapho-phonocentrism. Sign language poses the question not of a hierarchy between voice and writing (a subject widely debated since at least Aristotle), but rather of their monopoly of the signified. To tackle this subject, we turn to Diderot, Graffigny and Rétif de La Bretonne, whom we consider in the light of the ideas of the most important eighteenth-century teacher of deaf people, the abbé de L’Épée. L’Épée, explicitly attacking the dogma that voice or writing are the sole legitimate vectors of language, declares that sign language can be entirely visual, and that it does not need to be physically articulated or written. In his Lettre sur les sourds et muets, Diderot refers to sign language to settle the old question about the relationship between the order of thought and the order of words, thereby side-lining not just French but also Latin and Greek so as to move beyond the quarrel of the Ancients and the Moderns. Diderot’s valuing of sign language is unique in the eighteenth century; his contemporaries foreground instead this language’s semiological limits. In Françoise de Graffigny’s Lettres d’une Péruvienne, Zilia is a ‘mute by convention’, that is a speaking and hearing character whom the author has deprived of the ability to communicate by transporting her into a foreign world, a character who mitigates her ignorance of French by expressing herself through signs. Zilia emerges from her linguistic and psychological solitude by means of signs, but abandons this technique so as to integrate into society. In Rétif de La Bretonne’s ‘La Muette’ (one of the tales in his Nuits de Paris), hand gestures come into play at about the same moment in the deaf character Aliénor’s learning of spoken French as they do in Graffigny’s novel. The text thus reveals the same grapho-phonocentrism, though this time linked to a stronger pressure for social integration. Aliénor uses her hard-won oral competence to clearly affirm the patriarchal principles by which women are the devoted wives of men. This affirmation, which comes at the end of the tale, raises the question not simply of how one might teach deaf people to ‘paint’ their ideas with a linguistic (or other) system, but also of how one might know which ideas are ‘painted’ and what ideology is being inculcated. We conclude with the proposition that Diderot and L’Épée stand apart from their contemporaries in their intellectual and cultural admiration for sign language. Their texts contain in seed form the principle that remains essential for understanding the place of deaf people in our modern society: the acceptance that ‘painting’ the voice by means of words on the page is not the only way to show one’s humanity and culture. Résumé L’objet de notre article est la langue des signes pour sourds au dix-huitième siècle qui provoque de profondes réflexions chez différents auteurs fascinés par une langue qui n’est ni orale, ni écrite, une langue qui démontrerait notre grapho-phonocentrisme. La langue des signes pose la question non d’une hiérarchie entre la voix et l’écriture (sujet largement débattu au moins depuis Aristote) mais de leur monopole à tous deux du signifié. Nous abordons ce sujet par le biais de Diderot, Graffigny et Rétif de La Bretonne, tout en considérant ces auteurs à la lumière des idées du plus important pédagogue des sourds au dix-huitième siècle, l’abbé de L’Épée. L’Épée attaque explicitement le dogme qui ferait de la voix ou de l’écriture les seuls vecteurs légitimes du langage en déclarant clairement que la langue des sourds peut être entièrement visuelle et n’a pas besoin d’être physiquement articulée ou écrite. Diderot dans sa Lettre sur les sourds et muets se réfère à la langue des signes pour trancher la vieille question du rapport entre l’ordre de la pensée et l’ordre des mots, écartant ainsi aussi bien le français que le latin et le grec afin de passer au-delà de la querelle des Anciens et des Modernes. La mise en valeur par Diderot de la langue des signes est unique au dix-huitième siècle; ses contemporains mettent plutôt en avant les limites sémiologiques de cette langue. Dans les Lettres d’une Péruvienne de Françoise de Graffigny, Zilia est une ‘muette de convention’, un personnage parlant et entendant à qui l’auteur a retiré la capacité à communiquer en la transportant dans un monde étranger, personnage qui pallie son ignorance du français en s’exprimant par signes. Zilia sort de sa solitude linguistique et psychologique en s’exprimant par signes, mais abandonne cette technique afin de s’intégrer à la société. Dans ‘La Muette’ de Rétif de La Bretonne (un des récits dans ses Nuits de Paris), les signes manuels interviennent à peu près au même moment dans l’apprentissage du français parlé par le personnage sourd, Aliénor, que dans le roman de Graffigny. Le texte démontre donc le même grapho-phonocentrisme, mais lié cette fois à une pression d’intégration sociale plus forte. Aliénor utilise sa compétence orale durement acquise pour affirmer clairement les principes patriarcaux qui font des femmes les épouses dévouées des hommes. Cette affirmation à la fin du récit soulève donc la question non seulement de savoir comment apprendre aux sourds à ‘peindre’ leurs idées avec un système linguistique ou un autre, mais aussi de savoir quelles idées sont ‘peintes’ et quelle idéologie est inculquée. Nous concluons sur l’idée que Diderot et L’Épée se distinguent de leurs contemporains en exprimant une admiration intellectuelle et culturelle pour la langue des signes. En germe dans leurs textes se trouve le principe toujours aussi essentiel pour comprendre la place des sourds dans notre société moderne: l’acceptation que ‘peindre’ la voix avec des mots sur une page n’est pas la seule façon de faire preuve d’humanité, de culture. |
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ISSN: | 2052-5397 |