Entre santé au travail et culture ouvrière : la question du vin ‘‘prolétaire’’ dans la France de l’entre-deux-guerres.

Depuis l’apparition de la question sociale et le Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie de Villermé en 1840, le monde ouvrier a souvent été stigmatisé par sa misère, sa dangerosité, ses mœurs dissolues et/ou son ivr...

Full description

Saved in:
Bibliographic Details
Main Author: Morgan Poggioli
Format: Article
Language:fra
Published: Université de Bourgogne 2019-10-01
Series:Territoires du Vin
Online Access:http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1720
Tags: Add Tag
No Tags, Be the first to tag this record!
_version_ 1846116282543374336
author Morgan Poggioli
author_facet Morgan Poggioli
author_sort Morgan Poggioli
collection DOAJ
description Depuis l’apparition de la question sociale et le Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie de Villermé en 1840, le monde ouvrier a souvent été stigmatisé par sa misère, sa dangerosité, ses mœurs dissolues et/ou son ivrognerie. Si certains stéréotypes ont disparu, le penchant supposé des ouvriers pour l’alcool, et le vin en particulier, perdure. Ce qui est encore vrai aujourd’hui l’est donc évidemment pour l’entre-deux-guerres. Or, dans le cadre d’une France en pleine mutation économique induite par la seconde révolution industrielle, la législation initiée avec la loi de 1898 sur les accidents du travail, se renforce durant notre période d’étude (création du Ministère de la Santé publique en 1920, loi du 25 octobre 1919 et modifiée en 1931 sur les maladies professionnelles, instauration des Assurances sociales en 1930) et questionne entre autre le lien entre la consommation de vin des ouvriers à l’usine et l’hygiène/sécurité au travail. L’Etat, les employeurs et les ouvriers, selon des intérêts différents et divergents (santé publique/antialcoolisme, productivité, protection), sont alors amenés à (re)penser leur rapport au vin en milieu professionnel. Durant cette époque où chaque Français consommait près de 200 litres par an, notre contribution se propose donc d’interroger les différents acteurs (étatiques, patronaux et syndicaux), d’analyser à la fois leur perception du vin mais également les politiques ou stratégies, plus ou moins prohibitives, adoptées dans le cadre de mesures de protection sanitaire des travailleurs et d’en évaluer les résultats. Notre démarche vise ainsi à mettre en lumière les oppositions qui ont pu exister entre ces différents intervenants autour du vin et de la santé au travail, le rapport ambigu que chacun entretenait vis-à-vis de ce qui demeure la « boisson nationale » (tantôt fortifiant, tantôt facteur accidentogène, marqueur d’une identité professionnelle partagée voire complément rémunérateur dans certains métiers) et de relever durant ces vingt années les permanences mais surtout les ruptures en termes de pratiques et de prévention. Notre intervention s’articulera autour de trois points : - Fantasmes et réalités de la consommation de vin sur (et hors) le lieu de travail : cantines, cafés, ateliers et « gamelles ». - Le vin, un bouc émissaire désigné pour expliquer les accidents du travail et les maladies professionnelles ? Débats entre patronat et syndicats autour de la question de la responsabilité de l’ouvrier ou du manque de mesures de sécurité. - Entre culture ouvrière et défense de la santé des travailleurs : un difficile équilibre syndical à trouver. Pour traiter ces questions, nous nous appuierons sur les archives de la CGT de l’entre-deux-guerres (entre autres celles de l’Institut confédéral d’études et de prévention des maladies professionnelles), revenues de Moscou à la fin des années 1990 et sur celles du ministère du Travail relatives à la législation et aux travaux des organismes de consultation/conciliation telle la Commission d’hygiène industrielle où les différents acteurs interviennent. Nous utiliserons également la presse ouvrière de l’époque et les travaux récents issus des nouveaux champs de recherche appliqués aux pratiques alimentaires et à la santé au travail, afin de compléter notre approche.
format Article
id doaj-art-e8b0736b6f914edbb0d43597b361918d
institution Kabale University
issn 1760-5296
language fra
publishDate 2019-10-01
publisher Université de Bourgogne
record_format Article
series Territoires du Vin
spelling doaj-art-e8b0736b6f914edbb0d43597b361918d2024-12-19T08:03:27ZfraUniversité de BourgogneTerritoires du Vin1760-52962019-10-011010.58335/territoiresduvin.1720Entre santé au travail et culture ouvrière : la question du vin ‘‘prolétaire’’ dans la France de l’entre-deux-guerres.Morgan Poggioli Depuis l’apparition de la question sociale et le Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie de Villermé en 1840, le monde ouvrier a souvent été stigmatisé par sa misère, sa dangerosité, ses mœurs dissolues et/ou son ivrognerie. Si certains stéréotypes ont disparu, le penchant supposé des ouvriers pour l’alcool, et le vin en particulier, perdure. Ce qui est encore vrai aujourd’hui l’est donc évidemment pour l’entre-deux-guerres. Or, dans le cadre d’une France en pleine mutation économique induite par la seconde révolution industrielle, la législation initiée avec la loi de 1898 sur les accidents du travail, se renforce durant notre période d’étude (création du Ministère de la Santé publique en 1920, loi du 25 octobre 1919 et modifiée en 1931 sur les maladies professionnelles, instauration des Assurances sociales en 1930) et questionne entre autre le lien entre la consommation de vin des ouvriers à l’usine et l’hygiène/sécurité au travail. L’Etat, les employeurs et les ouvriers, selon des intérêts différents et divergents (santé publique/antialcoolisme, productivité, protection), sont alors amenés à (re)penser leur rapport au vin en milieu professionnel. Durant cette époque où chaque Français consommait près de 200 litres par an, notre contribution se propose donc d’interroger les différents acteurs (étatiques, patronaux et syndicaux), d’analyser à la fois leur perception du vin mais également les politiques ou stratégies, plus ou moins prohibitives, adoptées dans le cadre de mesures de protection sanitaire des travailleurs et d’en évaluer les résultats. Notre démarche vise ainsi à mettre en lumière les oppositions qui ont pu exister entre ces différents intervenants autour du vin et de la santé au travail, le rapport ambigu que chacun entretenait vis-à-vis de ce qui demeure la « boisson nationale » (tantôt fortifiant, tantôt facteur accidentogène, marqueur d’une identité professionnelle partagée voire complément rémunérateur dans certains métiers) et de relever durant ces vingt années les permanences mais surtout les ruptures en termes de pratiques et de prévention. Notre intervention s’articulera autour de trois points : - Fantasmes et réalités de la consommation de vin sur (et hors) le lieu de travail : cantines, cafés, ateliers et « gamelles ». - Le vin, un bouc émissaire désigné pour expliquer les accidents du travail et les maladies professionnelles ? Débats entre patronat et syndicats autour de la question de la responsabilité de l’ouvrier ou du manque de mesures de sécurité. - Entre culture ouvrière et défense de la santé des travailleurs : un difficile équilibre syndical à trouver. Pour traiter ces questions, nous nous appuierons sur les archives de la CGT de l’entre-deux-guerres (entre autres celles de l’Institut confédéral d’études et de prévention des maladies professionnelles), revenues de Moscou à la fin des années 1990 et sur celles du ministère du Travail relatives à la législation et aux travaux des organismes de consultation/conciliation telle la Commission d’hygiène industrielle où les différents acteurs interviennent. Nous utiliserons également la presse ouvrière de l’époque et les travaux récents issus des nouveaux champs de recherche appliqués aux pratiques alimentaires et à la santé au travail, afin de compléter notre approche.http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1720
spellingShingle Morgan Poggioli
Entre santé au travail et culture ouvrière : la question du vin ‘‘prolétaire’’ dans la France de l’entre-deux-guerres.
Territoires du Vin
title Entre santé au travail et culture ouvrière : la question du vin ‘‘prolétaire’’ dans la France de l’entre-deux-guerres.
title_full Entre santé au travail et culture ouvrière : la question du vin ‘‘prolétaire’’ dans la France de l’entre-deux-guerres.
title_fullStr Entre santé au travail et culture ouvrière : la question du vin ‘‘prolétaire’’ dans la France de l’entre-deux-guerres.
title_full_unstemmed Entre santé au travail et culture ouvrière : la question du vin ‘‘prolétaire’’ dans la France de l’entre-deux-guerres.
title_short Entre santé au travail et culture ouvrière : la question du vin ‘‘prolétaire’’ dans la France de l’entre-deux-guerres.
title_sort entre sante au travail et culture ouvriere la question du vin proletaire dans la france de l entre deux guerres
url http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1720
work_keys_str_mv AT morganpoggioli entresanteautravailetcultureouvrierelaquestionduvinproletairedanslafrancedelentredeuxguerres