Roman picaresque et prose d’idées : Guzmán de Alfarache de Mateo Alemán
La prose d’idées et la littérature ne sont pas des catégories textuelles étanches car si la première utilise abondamment des exempla fictionnels pour illustrer ses démonstrations, la seconde contient toujours une dimension idéologique plus ou moins importante et plus ou moins explicite. Il s’agit do...
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| Format: | Article |
| Language: | fra |
| Published: |
Laboratoire Interdisciplinaire Récits Cultures Et Sociétés
2011-01-01
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| Series: | Cahiers de Narratologie |
| Subjects: | |
| Online Access: | https://journals.openedition.org/narratologie/534 |
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| Summary: | La prose d’idées et la littérature ne sont pas des catégories textuelles étanches car si la première utilise abondamment des exempla fictionnels pour illustrer ses démonstrations, la seconde contient toujours une dimension idéologique plus ou moins importante et plus ou moins explicite. Il s’agit donc d’une affaire de « dosage » entre la matière idéologique et la matière fictionnelle, dosage qui permet en principe de ranger les oeuvres dans l’une ou l’autre catégorie, ce qui n’est pas toujours évident car certaines oeuvres se situent à la frontière entre les deux. C’est le cas du roman picaresque espagnol, facétieux et burlesque, mais qui véhicule aussi dès les origines une indéniable satire sociale et morale. Le chef-d’œuvre du genre, le Guzmán de Alfarache de Mateo Alemán, se distingue par sa structure extrêmement digressive. Les aventures picaresques du protagoniste sont constamment entrecoupées de discours idéologiques sur toutes sortes de sujets touchant à la société et à la morale, discours entrelardés de cellules narratives secondaires qui font office d’exempla. L’ensemble de ces « sermons », d’un pessimisme profond, a sa source dans la doctrine religieuse catholique longuement exposée et appliquée rigoureusement et dans laquelle se détachent les thèmes fondamentaux du déterminisme, donc de la prédestination, et du libre arbitre de l’homme. Le Guzmán de Alfarache apparaît ainsi comme un vaste traité théologico-moral illustré par une infinité d’exempla parmi lesquels la fiction picaresque, l’histoire du gueux, est aussi un exemplum, le plus vaste et le plus important, au service de la thèse centrale du livre : la possibilité de rédemption de l’homme, fût-il le criminel le plus endurci, s’il est sauvé par la miséricorde divine. A tous les niveaux, thématique, réthorique et stylistique, le Guzmán de Alfarache a donc de grandes affinités avec la prose d’idées. Il s’en distingue par la proportion énorme de matière fictionnelle qu’il contient et par les qualités littéraires d’Alemán qui en font un roman et non un simple traité, ou, autrement dit, un chef-d’œuvre de la littérature d’idées. |
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| ISSN: | 0993-8516 1765-307X |